Les jeudis de PRISM #12

jeudi 24 février 2022 14h00 > 16h00

La modalité sonore dans les dispositifs de médiation au musée (+ une expérience de sonification d’images)
Avec Mélissa Mathieu et Felipe Ariani

> Salle de réunion PRISM ou visioconférence

Résumé de la présentation :
L’une des missions du musée est la transmission du savoir à des fins d’éducation et de délectation (ICOM). Cette transmission est possible grâce à un ensemble de médias, allant de l’architecture même du musée aux dispositifs multimédias, en passant par le programme de communication et le parcours expographique. Or, comme en témoignent de nombreuses études, le musée échoue en partie à son objectif de transmission malgré la diversité et la performance des nouveaux dispositifs de médiation (tables interactives, applications, casque de réalité virtuelle, etc.) et la qualité des expographies tout aussi ambitieuses. La capacité du visiteur à appréhender un savoir distribué dans le temps et l’espace (du parcours) et à reconstruire par la suite un lien qui fasse sens et qui puisse s’inscrire dans une mémoire longue est faible (Schmitt). La difficulté à cerner et conjuguer les capacités (cognitives et sociales) et les attentes (espérances et préjugés) des publics avec les exigences institutionnelles aboutit généralement sous la gouverne de la démocratisation culturelle à un relativisme favorisant les expériences ludiques, sensationnelles, participatives, multimodales. C’est dans ce creuset qu’une « muséologie des émotions » (Varutti) a émergé prônant de nouvelles approches, plus sensuelles, communicatives et créatives, se défaisant d’une pédagogie « classique ».

Dans ce contexte, la modalité sonore dans une réflexion portant sur les conditions et les qualités de la médiation au musée prend toute son importance. De nombreuses questions émergent : À partir de quand le « sonore » au musée devient une source de connaissance ? De quelle manière l’outil sonore est employé dans la muséographie et expographie contemporaines ? Quelle valeur réelle peut-on attribuer à l’information sonore dans un contexte de médiation ? Sur quelle(s) conceptualisation(s) du savoir doit-on s’appuyer pour comprendre et analyser la construction du sens par le biais de l’ouïe dans une situation de visite ? Est-ce que le son non verbal et non musical peut aider à la connaissance d’un objet et sous quelles modalités précisément ? L’audio-mobilité est-elle une contingence nécessaire à la construction du sens global d’un parcours de visite ? etc.

S’il existe aujourd’hui une vaste littérature (SIC, psychologie, neurosciences, sociologie, anthropologie, didactique, etc.) portant sur les paradigmes propres à la médiation culturelle (technologies et autres biais) et à la construction du sens, la modalité sonore au musée est cependant encore peu discutée. La musicologie dans ce corpus trouve une place minime : il s’agit généralement d’appréhender les questions patrimoniales à partir de l’ethnomusicologie ou de l’archéoacoustique et ce, en vue de proposer des contenus. La création des contenus pour les programmes de communication audio au musée est généralement déléguée à des prestataires extérieurs (entreprises spécialistes de l’audiodescription, créateur de podcasts, de description audio, etc.) dont l’expertise se retrouve parfois verbalisée dans les salons (Sitem) et les revues attitrées. Les questions concrètes liées au dispositif physique de diffusion et d’écoute sont abordées de manière plus pragmatique par les rapports ministériels et les revues spécialisées destinées aux professionnels des musées. A d’autres niveaux, les dimensions éthiques et philosophiques liées à l’écoute et ses conditions au musée sont parfois appréhendées par les artistes sonores, performeurs et plasticiens, sans toutefois être liées à des corpus scientifiques.

Ainsi, il s’agira durant cette présentation de vous communiquer mon sujet de thèse ainsi que la problématique sous-jacente et la méthodologie envisagée. Partant d’une histoire de la muséologie contemporaine abordée sous l’angle de la sociologie de la culture, en passant par une présentation non exhaustive des typologies de dispositifs de monstration dans l’expographie moderne ainsi que de l’utilisation de la modalité sonore dans les programmes de médiation, il sera question d’aborder, d’une part, le point de vue des phénoménologues, des comportementalistes, mais aussi des psychologues et neuroscientifiques sur les questions de la perception et de la construction de la mémoire, et d’autre part, celui des scientifiques de l’information et de la communication, des pédagogues, des médiologues et des sémioticiens sur les questions de construction du savoir à partir des biais médiatiques, et plus précisément, technologiques. La nature même du sujet nécessite en effet une approche épistémologique largement interdisciplinaire qui viendra cependant trouver toute sa cohérence à travers une proposition inédite de dispositif de médiation sonore pour un musée partenaire.

Bio de Mélissa Mathieu
Mélissa est doctorante en première année à l’école doctorale 354 (Langage, Lettres et Arts) et au laboratoire PRISM-CNRS, sous la direction de Vincent Tiffon. Elle a obtenu un master en Acoustique et Musicologie à l’université d’Aix-Marseille en 2020, ainsi qu’une licence en Archéologie et Histoire de l’art en 2017. En 2016, elle suit la classe préparatoire au concours de conservateur du patrimoine à l’université Montpellier 3, spécialité « Art contemporain ». À la suite de deux stages, le premier pour une galerie d’art à Aix-en-Provence, le second pour l’unité de recherche Locus Sonus à l’École Supérieure d’Art d’Aix-en-Provence, Mélissa devient assistante de conception d’exposition au musée des Transmissions (Cesson-Sévigné) pour lequel elle réfléchit à la sonorisation du nouveau parcours permanent. Ce double cursus muséologie/histoire de l’art (muséologie) explique le choix et l’orientation du sujet actuel de recherche.

Felipe Ariani, quant à lui, nous présentera brièvement le travail qu’il a effectué lors de son stage de Master sur la sonification d’images dans le cadre du projet de recherche IA+CA.

Publié le 22 février 2022